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Patrice Talon : Le faiseur de roi devenu roi

Les élections présidentielles de 2016 marqueront à jamais l’histoire du Bénin mais aussi de l’Afrique entière. Grâce à un processus électoral abouti dans la sérénité, le pays conforte ainsi son statut de modèle en matière de démocratie et d’alternance du pouvoir. Nous avons également eu droit à un débat contradictoire entre les deux candidats du second tour : une première. A la ligne d’arrivée, un candidat plébiscité et porté au pouvoir par un peuple plus que jamais impliqué. Patrice Talon, richissime homme d’affaires, est dorénavant à la tête de l’Etat. Une situation inimaginable encore il y a quelques mois. En effet, autrefois soutien de poids du désormais ex-président Thomas Yayi Boni, il fut désavoué et contraint à l’exil pendant trois ans. Empêtré dans un conflit avec l’autorité suprême de l’Etat et pointé du doigt par de nombreux détracteurs dont Martin Rodriguez, son rival ayant également fait fortune dans le coton avec qui il est en conflit depuis une vingtaine d’années, il parvint néanmoins à briguer le fauteuil présidentiel qu’il remporta haut la main au terme d’un scrutin à deux tours. C’est l’histoire d’un faiseur de roi devenu roi. Qui est Patrice Talon ? Quels événements majeurs ont rythmé son ascension et sa conquête de la magistrature suprême ?

Le « compétiteur né »

C’est ainsi que se décrit l’homme, désormais chef suprême des armées du Bénin. Patrice Talon est originaire de Ouidah mais a grandi à Porto-Novo, dans le quartier Déguè-Gare. Né le 1er mai 1958 d’un père cheminot et d’une mère issue d’une grande famille d’Abomey, il poursuit ses études secondaires à Dakar, où il obtient un baccalauréat série C (Scientifique), lui ouvrant les portes pour les Mathématiques à la Faculté des Sciences. C’est fort de ce parcours et de sa passion pour l’aviation qu’il passa avec succès le concours de pilote de ligne d’Air Afrique, deux ans plus tard. Mais Patrice Talon, bien qu’extrêmement brillant, ne deviendra jamais pilote. En effet, lorsqu’il se rend en France pour intégrer l’Ecole Nationale d’Aviation Civile (ENAC), il est recalé pour « inaptitude moteur » (il bégayait énormément) et doit donc abandonner son rêve. Affuté pour les affaires, il s’installe en France dès les années 1980 et se lance dans des activités de négoce d’emballages et d’intrants agricoles (importation d’intrants pour la culture du coton). Il crée en 1985 la Société de Distribution Inter Continentale des Intrants (SDI) et décroche son premier marché de taille auprès de la Société Nationale pour la Promotion Agricole du Bénin (SONAPRA). Aujourd’hui, il est à la tête de la plus grosse fortune du pays, dirige de nombreuses sociétés (dont SIGIB-NOVOTEL dont il est actionnaire majoritaire) et est membre influent des Conseils d’Administration de sociétés implantées en Côte d’Ivoire, au Mali ou encore au Sénégal. Les années 1990 marqueront une véritable tournure dans son ascension.

Le Roi du Coton

En 1990, la Banque Mondiale émet des recommandations dans le cadre de l’accord de libéralisation économique instauré dans les États ouest-africains. Le Bénin étant désormais prié de se désengager de la filière de production du coton. C’est Patrice Talon qui remporta le marché d’implantation de trois grosses usines d’égrenage de coton (25.000 tonnes chacune) et s’impose comme l’incontournable de la filière au Bénin. Il commence à s’impliquer activement dans la politique à travers le financement de campagnes électorales. Ce qui lui permit de s’octroyer plusieurs marchés avec l’Etat béninois. Il ne devient cependant très populaire qu’à l’arrivée de Thomas Boni Yayi, son ami, qu’il a porté au pouvoir en 2006. C’est grâce à ce dernier que son influence dans la filière coton va s’accroître et devenir hégémonique. Patrice Talon gagne en 2008 le rachat de dix usines d’égrenage encore sous la houlette du gouvernement béninois, lors des appels d’offres pour la privatisation de la division coton de la SONAPRA. Il crée alors la Société de Développement du Coton (SODECO) à l’issue de ce rachat. En 2011, il fait encore plus fort avec l’acquisition de la gestion du Programme de Vérification des Importations (PVI) du port de Cotonou, un marché juteux lui permettant de gérer, en partenariat avec la Société Générale de Surveillance (leader mondial suisse), les taxes douanières du port de Cotonou, dont les recettes annuelles s’évaluent à 1,5 milliard d’euros par an, l’équivalent du budget de l’Etat. Mais les activités du PVI à peine démarrées, l’homme d’affaires tombe en disgrâce auprès du gouvernement de son « ami ». Le marché lui est unilatéralement retiré, les activités du SODECO suspendues et des poursuites pour crimes économiques sont engagées à son encontre.

Les ennuis avec le régime de Yayi Boni

C’est une série digne des productions hollywoodiennes qui a animé la presse et l’opinion publique pendant de longs mois. Patrice Talon est accusé d’avoir fraudé sur les subventions d’engrais de la campagne 2011. Pas moins de 20 millions d’euros de subventions accordées par l’Etat auraient été détournés ainsi que plus de 18 millions d’euros de recettes douanières. Placé en garde à vue et entendu à plusieurs reprises, l’homme d’affaires visé par de nombreuses plaintes réussit à quitter le pays pour la France où il s’exile. Ces démêlés avec la justice n’ont cependant entrainé aucune condamnation. Il obtiendra même gain de cause dans le contentieux qui l’opposait à l’Etat quant à l’affaire PVI. En octobre 2012, alors qu’il s’est retiré à Paris, une rocambolesque histoire de tentative d’assassinat sur la personne du chef de l’Etat éclate. L’affaire des poisons marque un tournant dans les hostilités entre Boni Yayi et Patrice Talon. L’homme d’affaires est accusé d’avoir commandité l’empoisonnement du président de la république avec pour complices Zouberath Kora (gouvernante et nièce de Boni Yayi), chargée d’administrer chaque soir ses médicaments au chef de l’Etat, et le docteur Mama Cissé (médecin personnel du président de la république). Arrêté puis libéré sous caution, il fait rapidement l’objet d’un mandat d’arrêt international et d’une demande d’extradition rejetée par la justice française après de longs mois de renvoi pour complément d’informations. La procédure au Bénin a abouti à un « non-lieu à poursuivre » ordonné par le juge d’instruction Angelo Houssou. Le soir même, ce dernier est intercepté à Sèmè-Kraké alors qu’il tentait de se rendre à Lagos avec sur lui, plusieurs valises et un visa pour les Etats-Unis. Assigné à domicile et placé sous surveillance, il parvint à s’échapper pour se rendre à New-York où il fut en exil pendant deux ans. Aujourd’hui, Patrice Talon reste visé par une instruction judiciaire ouverte en France en juin 2014, malgré le « pardon » officiel de son ancien antagoniste. Et ce sont deux juges parisiens qui enquêtent toujours sur cette célèbre « affaire de poison » dans laquelle le nouveau président de la république n’a pas encore été innocenté.

Patrice Talon à la conquête du pouvoir

Il nous avait habitués à peser de tout son poids, surtout financier, lors des précédentes échéances électorales. Ce fut donc à la surprise générale qu’il annonça sa candidature à l’investiture présidentielle. Une annonce qui fut sujet à de nombreuses interprétations, notamment perçue comme une revanche sur son ancien poulain qui lui passera les clés de la marina. Patrice Talon, porté par la haine générale à l’encontre du régime sortant, s’est imposé comme le candidat de la « rupture ». Une rupture qui a pour objectif annoncé et plébiscité de « tourner la page Yayi ». C’est ce qui constitua son slogan de campagne repris dans toutes les contrées du pays. Une campagne que Maître Djogbenou (député et avocat de l’homme d’affaires) déclare être la moins onéreuse. Arrivé en deuxième position lors du premier tour (sans le moindre soutien d’un parti politique), seulement devancé par Lionel Zinsou, candidat de l’Alliance Républicaine, il fut porté au second tour par les supports de pas moins de vingt candidats dont Sébastien Ajavon (également homme d’affaires et deuxième fortune du pays), Abdoulaye Bio Tchané (ancien Directeur Afrique du FMI) et Pascal Irénée Koukpaki qui a été Premier Ministre de Yayi Boni. Une large victoire à plus de 65% des suffrages exprimés acquise grâce à une campagne méthodique, privilégiant la proximité, le porte à porte, les associations de jeunes, et surfant sur son image soignée d’homme providentiel soutenu par son épouse toujours présente et la vague de rejet systématique du candidat Lionel Zinsou. En effet l’ex premier ministre, ancien poulain de Laurent Fabius est annoncé comme parachuté par la France et a rapidement fait face à de virulentes accusations de néo-colonialisme. De plus, son allégeance au président sortant qui a fait de nombreuses sorties médiatiques pour soutenir son dauphin, lui ont desservi. Porté par un régime décrié dont il a semblé défendre le bilan, il n’a pas fait le poids face au candidat de la rupture et du « nouveau départ ».

Quid de Martin Rodriguez

« En 2001, le président Kérékou avait fait venir un cabinet d’audit, et ont recensé 200 milliards de pillage à la SONAPRA par Patrice Talon. J’ai les pièces comptables qui montrent comment on a saigné la SONAPRA. Lorsqu’on a voulu arrêter Patrice Talon en 2001 il a escaladé le mur et est allé se mettre en France en exil pendant 6 mois. Ce dossier n’a jamais fait l’objet d’un débat public ». C’est ainsi qu’est monté au créneau Martin Rodriguez, ancien magnat du coton et lui-même contraint à l’exil par le régime de Yayi Boni, pour freiner l’élan du candidat Patrice Talon dans la course à la magistrature suprême. Au cours d’une conférence de presse prévue à cet effet, il fait un long procès de l’homme pour qui il semble nourrir une profonde aversion déclarant entre autres que le « roi du coton » aurait en réalité dirigé le pays de 2006 à 2011 et que le rixe avec Yayi Boni aurait commencé lorsque ce dernier a voulu s’affranchir. Un discours destiné à refroidir les ardeurs des pro-Talon très surchauffés mais qui n’aura pas eu l’effet escompté.

Le défi de la Marina

Patrice Talon est très ferme sur ses ambitions. Porté par un projet de société bien élaboré et plébiscité, il entend mener de grandes réformes sur le plan institutionnel afin de réduire l’influence du pouvoir présidentiel sur les institutions indépendantes de l’Etat. Mais surtout, il martèle qu’il est « là pour cinq ans ». Confortant ainsi son ambition de faire du mandat unique une réalité constitutionnelle. Si l’on pouvait craindre un blocage au sein de l’Assemblée Nationale, le ralliement du Parti du Renouveau Démocratique (PRD) qui « …félicite Patrice Talon et l’assure du soutien du PRD dans l’accomplissement de la tâche de redressement économique, de réforme institutionnelle et de renforcement de la cohésion et de l’unité nationale » démontre sans aucun doute les capacités de rassembleur du richissime homme d’affaires désormais garant du fauteuil présidentiel.

Saura-t-il relancer sur une pente ascendante les différents secteurs d’une économie au fond du gouffre ? Répondra-t-il aux attentes d’une jeunesse plombée par le chômage sans cesse grandissant ? Réussira-t-il à instaurer sa réforme du mandat unique ? Nombreux sont les défis qui attendent le nouvel homme fort de l’Etat qui entend rendre le tablier dans cinq ans au terme d’un exercice réussi.

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Dessin : Ken Ahossan

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